À Chypre, indépendante depuis 1960, l’agressivité des mouvements nationalistes importés de Turquie et de Grèce a abouti à des affrontements interethniques, à la séparation des communautés grecque et turque, autrement dit orthodoxe et musulmane, et enfin à une tentative de coup d’État pro-grec suivie d’une intervention armée turque qui a accompli le partage (taksim) de l’île en 1974. À l’époque, environ un tiers des Chypriotes ont subi un ou plusieurs exodes forcés et le tissu social de l’île a été détruit. De 1995 à 2004, les auteurs de cet ouvrage ont écouté la population, surtout du côté turc, jusqu’alors négligée par la recherche. Les témoignages recueillis, parmi des « gens de peu », disent le malheur de la déchirure comme les craintes et les espérances de ceux qui tentent de reconstruire une mémoire commune.
Cette étude illustre les dégâts du nationalisme, plaqué sur la religion et souvent artificiellement inculqué dans l’esprit de populations qui vivaient ensemble, parfois difficilement, mais sans se faire la guerre. À son échelle, le cas chypriote n’est guère différent du désastre yougoslave, vingt ans plus tard : le danger n’est pas dans l’Autre, mais dans les nationalismes qui jouent avec le feu.
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