Étudiantes du cours de chinois, année 1926-1927 © Collections Inalco‎

Les premières initiatives : Bourses et soutien aux étudiants (1927–1938)

L’Association des élèves, anciens élèves et amis de l’École des Langues orientales, dont l’Assemblée générale constitutive se tient le 1^er juillet 1927, est officiellement enregistrée au Journal Officiel le 13 août 1927. À cette occasion, un Bureau est élu lors de la première réunion du conseil d’administration, tenue le 6 juillet 1927.

Journal Officiel du 13 août 1927.pdf

Un Bureau représentatif et actif

Ce premier Bureau illustre l’ambition d’ouverture de l’Association :

• président : Georges Maspero, sinologue et administrateur colonial
• vice-présidents : George Deniker (représentant l’Extrême-Orient), Léon Leblanc (directeur de la Société générale, monde économique), Louis Massignon (Orient arabo-musulman)
• secrétaire général : Léon Beaulieux, slaviste
• secrétaire adjointe : Henriette Neymark, professeure à l’École supérieure de commerce et d’industrie
• trésorier : Marcel Belloy, homme d’affaires et banquier

Qui était Georges Maspero (1872-1942), premier président de l’Association ? Le père de Georges Maspero était l’égyptologue réputé Gaston Maspero, professeur au Collège de France. Sa mère meurt alors qu’il est encore tout petit et il est interne au lycée de Vanves puis au lycée Henri IV. Il s’inscrit ensuite à l’École coloniale, à la faculté de droit et à l’École des Langues orientales, où il est diplômé de chinois et d’annamite.  Son premier poste de fonctionnaire l’amène au Cambodge où il reste jusqu’en 1901, avant le Laos et la Cochinchine. Après un début de Grande Guerre en France, il retourne en Indochine fin 1915. Revenu à Paris en 1922, il est nommé président de la Banque industrielle de Chine et de la Banque franco-chinoise, tout en continuant à travailler avec l’École française d’Extrême-Orient.  Il est élu à l’Académie coloniale (actuelle Académie des sciences d’outre-mer) et promu commandeur le la Légion d’honneur pendant son mandat de président de notre association.  Publications majeures La Chine (première édition en 1918) chez Delagrave Grammaire de la langue khmère, publié en 1915 à l’Imprimerie Nationale Un empire colonial français : l’Indochine, 2 tomes publiés en 1929 et 1930 Il est l’auteur de nombreux articles sur l’histoire des pays d’Indochine, notamment sur l'Empire khmer et ses monuments. Une Grammaire de la langue môn est restée inachevée à sa mort d’un cancer en 1942. Une famille d’intellectuels engagés Son demi-frère Henri Maspero (1883-1945), lui aussi ancien élève de l’École, mort en déportation à Buchenwald, s’illustra comme sinologue spécialiste du taoïsme, membre de l’Institut (AIBL). Le militant révolutionnaire François Maspero (1932-2015), éditeur, écrivain et traducteur, est le fils de celui-ci.

Une mission affirmée : soutenir les étudiants

Dans le courrier d’intention fondateur, les membres expriment leur volonté d’aider les élèves modestes et de créer un espace de solidarité active. L’objectif de mettre en place des bourses d’études figure dès l’origine parmi les priorités, en complément des actions de réseau et de publication.

AAEALO - Courrier d'intention.pdf

Une communauté à façonner

L’AAÉALO ne limite pas son rôle au soutien financier. Elle se positionne dès ses débuts comme un réseau professionnel et académique intergénérationnel, favorisant l’orientation des jeunes diplômés vers les carrières diplomatiques, culturelles ou universitaires. L’élaboration d’un fichier des anciens élèves, dès 1927, est d’ailleurs un signe de cette volonté de structuration.

AAEALO - Réunion du CA du 20 avril 1938.pdf

Dès la fin des années 1920, bien que modestes, les premières aides financières sont attribuées à des étudiants en arabe, chinois, persan ou turc, leur permettant de poursuivre leurs recherches et de s’insérer dans des milieux professionnels spécialisés.

AAEALO - Réunion du CA du 8 mars 1938.pdf

Une période charnière approche

À la veille de la Seconde Guerre mondiale, les activités de l’Association sont progressivement confrontées à un contexte plus incertain. Entre 1938 et 1940, les tensions géopolitiques ralentissent les initiatives. Pourtant, des velléités subsistent : en témoigne, par exemple, un projet de création d’un groupe théâtre sous l’égide de Paul Boyer, l'organisation de conférence ou encore d'un bal, évoqué en réunion mais resté sans suite. Ce sursaut culturel avorté reflète à la fois l’attachement des membres à une certaine vie associative, et les obstacles croissants à son expression.

AAEALO - Réunion du bureau 23 décembre 1938.pdf

L’ordonnance du 28 août 1940, qui limite les activités des associations à la seule gestion de leurs biens, vient confirmer cette mise sous cloche. Cette période, charnière, ouvrira un nouveau chapitre de l’histoire de l’AAÉALO, marqué par la guerre, l’aide aux anciens élèves touchés par le conflit, et la relance des bourses dans les années 1950.

📌 Note éditoriale :

Notre prochain article (septembre 2025) ouvrira une nouvelle série consacrée à la période troublée de la Seconde Guerre mondiale. Nous y explorerons d’abord les années 1938 et 1939, marquées par un climat d’incertitude croissante, les premiers ralentissements des activités de l’AAÉALO, et les signes avant-coureurs de la crise. Cette entrée en guerre marquera un tournant pour l’Association, dont nous suivrons ensuite les transformations, les silences et les gestes de solidarité tout au long du conflit.