Il était une fois… l’AAÉALO - Aux portes de la guerre
L’AAÉALO à la veille de la guerre : 1938–1939
Une reconstruction fragile
Après le déclenchement en 1937 de la guerre menée par le Japon contre la Chine, les années 1938 et 1939 marquent un tournant pour l’Association des élèves, anciens élèves et amis de l’École des langues orientales (AAÉALO). Alors que l’Europe vit au rythme des tensions croissantes — Anschluss, accords de Munich, crise tchécoslovaque, mobilisation partielle —, l’Association ressent directement ce climat d’instabilité. Les activités, encore dynamiques au milieu des années 1930, connaissent désormais un net ralentissement.
L’Assemblée générale du 22 février 1938, convoquée à l’École de la rue de Lille, marque une étape importante : après plus de dix ans d’existence marqués par des phases d’essoufflement, l’Association se restructure. Les statuts sont modifiés et un nouveau Conseil d’administration est élu. À cette occasion, Joseph Hackin, conservateur du musée Guimet, est choisi comme président de l’Association, succédant ainsi à Georges Maspero.
1938 03 01 - Courrier à tous les membres
Une mission réaffirmée malgré les incertitudes
Dans le courrier adressé aux membres le 1er mars 1938, le Bureau précise les objectifs de l’Association : publier un bulletin d’information, créer des bourses et prêts d’honneur, subventionner missions et publications, et organiser l’entraide entre anciens élèves. Cette déclaration illustre la volonté de maintenir vivante la mission fondatrice de solidarité, alors même que la conjoncture rend son application de plus en plus difficile.
1938 03 01 - Courrier à tous les membres
Mais les signes de fragilité apparaissent vite. Le 25 avril 1938, Hackin lui-même fait savoir qu’il ne pourra assister à une assemblée de l’Association. Cet empêchement, anecdotique en apparence, traduit les obstacles croissants auxquels l’AAÉALO se heurte : dispersion des membres, charges professionnelles accrues, priorités déplacées par le contexte international.
1938 04 25 - Courrier de Joseph Hackin
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Premiers signes de ralentissement
Les procès-verbaux du Conseil d’administration confirment cette tension entre relance et frein. Le 8 mars 1938, des bourses sont encore attribuées à des étudiants en arabe, chinois, persan et turc. Mais dès le 20 avril 1938, les discussions portent surtout sur le maintien du fichier des anciens et la gestion prudente des finances, reflet d’une vie associative resserrée sur l’essentiel.
En fin d’année, le 23 décembre 1938, le Bureau évoque encore des projets culturels — création d’un groupe de théâtre, organisation de conférences ou d’un bal. Ces initiatives, qui auraient incarné une vitalité associative, restent lettre morte. Elles illustrent la volonté de poursuivre la vie collective malgré tout, mais contrariée par le contexte international.
Des signes avant-coureurs de crise
À travers les courriers et échanges internes, on perçoit l’inquiétude des responsables quant à la situation des membres : plusieurs sont mobilisables, d’autres affectés à l’étranger. Le Conseil réfléchit déjà à des mécanismes de soutien, anticipant les difficultés à venir. On discute du maintien des bourses, même modestes, et de l’identification des anciens élèves susceptibles d’avoir besoin d’une aide particulière.
Cette double dynamique — relance et initiatives en 1938, puis ralentissement rapide et préparation discrète de gestes de solidarité — illustre la maturité organisationnelle de l’Association.
Aux portes du conflit
En 1939, la mobilisation générale met brusquement fin aux velléités d’activités sociales ou académiques. Le rapport du trésorier du 3 mai 1939 souligne la dépendance de l’Association à ses seules cotisations et la fragilité de ses finances, confirmant une situation tendue. Les priorités basculent désormais vers la survie et le soutien aux membres dispersés par la guerre. L’AAÉALO, encore active administrativement, s’apprête à entrer dans une période de silence forcé.
1939 05 03 - Rapport de trésorier
Note éditoriale
Cet article inaugure une nouvelle série consacrée à l’AAÉALO durant la Seconde Guerre mondiale. Dans le prochain volet (octobre 2025), nous examinerons la vie de l’Association pendant le conflit : rôle des dirigeants, gestes de solidarité, et manières dont le réseau a pu subsister, malgré la censure et les restrictions.

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